05-Mali (34)L’histoire est la suivante : une femme participant à un raid en course à pieds, au cœur du Pays Dogon, centre du Mali, s’arrête une seconde pour photographier une école et des enfants en cours de gymnastique, puis reprend sa course.

Elle entend alors du bruit derrière elle, s’arrête de nouveau, se retourne et se trouve face à un homme malien. Fou de colère, il lui dit « on ne nous photographie pas, nous ne sommes pas des baobabs ! » et lui assène 3 gifles coup sur coup.

Un autre touriste s’interpose alors et dit à la coureuse de poursuivre sa route. Et ci- dessous, les événements qui suivent, révélateurs d’une culture incroyable de la gestion des conflits.

CALMER LES ESPRITS

Peu de temps après les trois gifles, l’étape sportive étant achevée, plusieurs personnalités se présentent au campement :

Un sage Dogon, un guide Dogon traducteur, 2 médiateurs, le jeune instituteur (auteur de la gifle), son directeur d’école, la jeune femme giflée, le directeur de la course. Tous prennent place dans le calme dans cet habitacle bas de plafond, le tribunal. Détail, mais aucun d’eux ne peut se tenir debout dans ce tribunal. En effet, celui qui se lève en colère risque de se taper la tête !

Le sage du village, vieil homme serein, commence les palabres ; C’est un échange grommelant entre le sage, les médiateurs, le guide Dogon qui dure plusieurs minutes. En fait il s’agit de « comment ça va ? » « Ça va et toi ? » « Et toi comment ça va ? » « Ca va bien et toi, ta famille, comment ça va… » Etc. Bref, les esprits sont calmés et on peut commencer à résoudre le différend. Indications données plus tard par le guide en vue de permettre le début des échanges plus sereinement.

PRESENTER LES EXCUSES

Le sage Dogon donne alors la parole à l’accusé, représenté ici, par le directeur de l’école et lui demande de restituer les faits tels qu’il les a vécus, où que son instituteur lui dit les avoir vécus.

Le directeur de l’école prend alors la parole et encense la France, les Français, le Président de la République, pendant plusieurs minutes avant d’en venir aux faits eux-mêmes.
« Cette jeune femme est arrivée au village, s’est arrêtée, a pris une photo et s’est enfuie en courant… ». Elle sursaute en entendant cette version et le guide Dogon lui fait savoir qu’elle aura son temps de parole ultérieurement. Effectivement, le sage s’adresse à elle et elle peut alors corriger. Elle ne s’est pas enfuie en courant mais participe à une course à pieds… donc elle est effectivement repartie en courant après avoir fait sa photo.

Le sage demande au Directeur de l’école s’il accepte cette version… ce qui est fait.

ACCEPTER LES EXCUSES ET LE SIGNIFIER

L’accord étant trouvé sur les faits, le sage propose que le directeur présente ses excuses. « geste inconcevable, inacceptable… » Autant de termes prononcés avant que le directeur dise réellement regretter personnellement ce geste. Le sage demande alors à la jeune femme si elle accepte les excuses, ce qu’elle fait naturellement.
Il se lève alors, retire le bonnet de laine qu’il avait sur la tête et le pose devant les pieds de la jeune femme. Interloquée, sur les conseils du guide, elle ramasse le bonnet et, pour signifier l’acceptation des excuses, en recoiffe le vieux sage… !

SE RECONCILIER

Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Après les excuses vient le temps de la réconciliation. En effet, le tout n’est pas de dire pardon, mais de recommencer l’entente, les affaires, la relation… Voilà, la coureuse qui accepte de se réconcilier. Pour sceller cette réconciliation, voici les médiateurs qui offrent la noix de cola, bien précieux venu du Ghana, et que l’on partage et croque de concert… On peut alors échanger une poignée de main… et prendre une photo !

 

Finalement, un rite qui en dit long sur la capacité des Dogons à gérer et sortir des conflits, différents et autres situations de tension. Un bel exemple…

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