Dans nos articles précédents, nous avons abordé les oublis « normaux » ! Ceux de la vie quotidienne qui nous font rager mais qui n’ont pas de lien avec un potentiel problème de santé. Il y a bien évidement des cas plus graves dans lesquels notre cerveau est défaillant. Accordons un moment de pause à ces souffrances qui deviennent alors les nôtres.
A – Les amnésies neurologiques
A-1. La Maladie d’Alzheimer
La maladie d’Alzheimer survient à un âge avancé et se caractérise par la dégénérescence de certains neurones du cerveau. Un des premiers signes d’alerte de la maladie sont les troubles de mémoire. C’est d’ailleurs ce qui rend difficile son diagnostique précoce puisque à cet âge plusieurs personnes commencent à avoir des petites pertes de mémoire (phénomène normal lié au vieillissement). Mais pour la personne atteinte d’Alzheimer, les différentes formes de mémoire vont s’effondrer en quelques années : d’abord la mémoire épisodique (des événements de notre vie), puis la mémoire à court terme, ensuite la mémoire du sens des mots, puis finalement la mémoire du savoir faire. Bref, c’est finalement tout le raisonnement, l’attention et le langage qui se trouvent perturbés. Avec des conséquences terribles pour l’entourage : la personne ne peut plus s’orienter, ne reconnait plus sa famille.
A – 2. Le syndrome de Korsakoff
Le syndrome de Korsakoff est causé par l’alcoolisme chronique (possiblement dû à une carence en vitamine B1). Les dommages cérébraux de ce syndrome amènent une amnésie antérograde (les souvenirs les plus anciens s’effacent) qui va en s’aggravant. Celle-ci peut aussi s’accompagner d’une amnésie rétrograde (les souvenirs les moins anciens disparaissant les premiers). Souvent totalement inconscient de son trouble, le malade répond aux questions en fabulant, avec une sorte d’euphorie qui conduit aussi à de fausses reconnaissances. Mais la caractéristique essentielle demeure un oubli à mesure, une amnésie antérograde avec conservation de la mémoire immédiate.
A – 3. Les ictus amnésiques
Les ictus amnésiques sont des amnésies brèves (quelques heures), aux causes mal connues, et qui apparaissent brutalement. Une fois sur deux l’ictus amnésique est d’origine émotionnelle et il est le plus impressionnant des troubles de mémoires. Il s’installe brutalement et disparait entre 2 et 12 heures. Il ne laisse aucune séquelle ! Elle ne s’accompagne d’aucune lésion cérébrale définitive.
Pourtant, pendant la crise, la personne souffre d’une amnésie antérograde majeure, oubliant quasi instantanément tout ce qui vient de se passer. À cela s’ajoute souvent une amnésie rétrograde couvrant plusieurs décennies. Le principe d’un ictus est que tout ce qui est vu, entendu pendant les heures de l’événement est oublié dans les 2 minutes qui suivent. Il s’agit d’une amnésie antérograde et aucune information nouvelle ne peut être retenue ou rappelée.
La personne peut malgré tout poursuivre une activité complexe comme conduire ou une activité professionnelle. En bref, le contexte émotionnel de chacun lorsqu’il témoin d’un événement dramatique influence de manière fondamentale la capacité et la fiabilité mnésiques.
Si la moitié des ictus apparait après une surcharge émotionnelle, un quart de ces événement apparaît dans un contexte neurovégétatif inhabituel : exposition à de grands froids ou grandes chaleurs, efforts physiques extrêmes, douleur aigue ou rapport sexuel !
L’ictus concerne principalement les femmes et se produit le plus souvent entre 50 et 80 ans. Il peut survenir une à deux fois (moins de 5% des cas) dans une vie. On observe souvent un profil d’anxiété, ou de perfectionnisme ou de surmenage chez les femmes sujettes.
B – Les amnésies psychogènes
Les amnésies psychogènes sont caractérisées par une incapacité soudaine à se rappeler de son propre passé. Elles concernent en priorité la mémoire autobiographique, les souvenirs personnels, la mémoire épisodique et la partie culturelle (souvenirs collectifs) de la mémoire sémantique. Elles concernent des événements de vie à forte charge affective.
L’amnésie psychogène la plus courante est celle associée à l’expérience d’un événement violent, comme une agression ou des sévices sexuels.
Cette forme d’amnésie psychogène s’accompagne parfois de fugues survenant après une relation ayant entraîné un choc émotif. La police recueille souvent ces personnes qui ne se souviennent ni de leur nom ni de leur adresse.
Ces « fuyards » perdent leurs souvenirs biographiques, mais leur mémoire sémantique et procédurale est préservée. Leurs épisodes amnésiques peuvent ainsi durer de quelques heures à plusieurs jours, voire parfois des mois. Ces cas demeurent toutefois rares, même si les médias leur accordent souvent beaucoup d’importance.
Les troubles de personnalité multiple, dans lesquels deux ou plusieurs personnalités donnent l’impression de coexister dans le même corps, impliquent aussi une interruption de la mémoire. Chacune des personnalités ne semble pas avoir accès aux souvenirs qu’emmagasine l’autre.
Cette amnésie affecte donc prioritairement les souvenirs biographiques, laissant la mémoire sémantique et procédurale accessible à toutes les identités. On pense que ces troubles se développent comme des mécanismes de défense contre les abus ou les privations durant l’enfance.
Il existe trois sortes d’amnésies psychogènes identifiées par Fischer (1945) :
- avec conscience de la perte : la personne pose des questions sur qui elle est.
- avec modification de la personnalité, la personne étant persuadée d’être quelqu’un d’autre.
- avec amnésie rétrograde isolée d’une portion de sa vie. : des pans entiers de la vie de la personne peuvent alors disparaître, temporairement ou définitivement.
Les amnésies psychogènes sont également appelées :
- Conversions hystériques, par Freud et Pierre janet
- Confusion mentale émotive, par Jean Delay
- Amnésies transitoires affectives, par Jean Guyotat
- Amnésies dissociatives, pour le DSM IV.
C – Les amnésies accidentelles
C – 1. Le black out alcoolique
Lors d’un « blackout » alcoolique suite à une consommation aiguë d’alcool, l’individu intoxiqué peut avoir une conversation ou effectuer une tâche quelconque, mais une fois revenu à jeun, il n’a aucun souvenir de cet épisode. Contrairement à ce que l’on a déjà pensé, il ne s’agirait pas d’une défaillance de la récupération, mais bien de données perdues à cause d’un déficit de stockage. Des sédatifs comme les barbituriques et les benzodiazepines produisent également ce type d’amnésie.
C – 2. L’accidentologie
Il existe aussi une amnésie du lobe frontal due à des dommages à cet endroit. Ces patients ne souffrent pas d’une amnésie globale, mais montrent un déficit de mémoire dans des tâches impliquant la planification temporelle d’une séquence d’événements. Ces personnes ont aussi des problèmes avec la source de connaissances nouvellement acquises et ont une méta-mémoire déficiente (incapacité de porter un jugement sur le contenu de leur mémoire).
D’autres types de dommages corticaux peuvent causer des amnésies parfois très spécifiques. Ainsi, il est possible de perdre la connaissance de la couleur si la région corticale où elle est perçue est endommagée. Et comme la mémoire des couleurs est reconstruite au même endroit, elle disparaît aussi.
Une lésion spécifique aux amygdales peut empêcher le processus de la mémoire des traumas. Celle-ci survient chez les gens normaux quand un événement particulièrement stressant rend certains détails d’une scène pratiquement inoubliables.
D’autres lésions corticales localisées peuvent nous rendre inaccessibles certains éléments de notre mémoire sémantique, donnant lieu à toute sorte d’aphasies particulières.
C – 3. Insuffisance vasculaire
Enfin, certaines amnésies globales dites transitoires peuvent se déclencher subitement et nous faire perdre complètement la mémoire pendant plusieurs heures. Bien que paniquantes, ces amnésies sont brèves et surtout ne laissent pas de dommages au cerveau. Elles semblent être dues à une insuffisance vasculaire temporaire du tissu cérébral.
C – 4. Les Syndromes de Stress Post Traumatique
Le SSPT a été identifié d’abord au moment des retours de guerre en particulier guerre de Corée, Koweit, Irak, Vietnam chez des soldats américains.
Parmi les symptômes de ces SSPT des événements amnésiques importants. Les Américains ont procédé, pour démontrer ces points, à des expériences importantes visant à démontrer que sous stress majeur notre mémoire était faillible.
Expérience 01 : retour de la guerre du Golfe. Les médecins interrogent plus de 150 militaires et leur demandent s’ils ont assisté à la mort d’un camarade pendant leur présence sur le terrain. 6 ans plus tard, à ces mêmes militaires, ils reposent les mêmes questions et notent alors 15% de discordance dans les réponses. Les discordances allant dans les deux sens : augmentation du nombre de décès ou déni.
Expérience 02 : la même équipe de médecins teste 500 militaires en stage de survie dans une « école » simulant les conditions de camps de prisonniers et ce en vue de tester la capacité de résistance des conditions dures d’emprisonnement. Ils vivaient la privation de sommeil, de nourriture, et de boisson et faisaient l’objet d’un interrogatoire « intensif ». 24 heures après leur « libération » il leur est demandé d’identifier les soldats qui les avaient interrogés et ce, selon 3 procédures disctinctes :
- les reconnaître parmi 15 personnes alignées simultanément
- les reconnaître parmi une série de photos disposées simultanément
- les reconnaître selon des photos passées une par une.
Les résultats sont édifiants : le taux de reconnaissance est de 30% dans le premier cas, 34 dans le second et 49 dans le 3ème. Deux éléments s’ajoutent à ces résultats : certains soldats se sont même trompés sur le genre de leurs « interrogateurs » et ceux qui ont subi des menaces physiques ont eu des performances pires que les autres.
Voilà quelques situations à la fois dramatique et inquiétantes. Mais curieusement ce ne sont pas les seules trahisons de la mémoire. En effet, si notre cerveau « efface » des souvenirs il lui arrive aussi d’en ajouter ou de les modifier ! Au risque de nous faire passer pour un affabulateur, de nous mettre dans des situations complexes… en toute bonne foi ! A lire das notre prochain article !!!
Références : http://lecerveau.mcgill.ca
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